Dans un précédent parlementaire qui relance le débat sur les rôles de l’opposition et les fonctions de contrôle au sein de l’institution législative, Mohamed Ouzzine, secrétaire général du parti du Mouvement Populaire, a appelé les députés du parti de l’Istiqlal à rejoindre l’initiative de création d’une commission d’enquête sur le dossier de l’importation de la viande.
Cet appel lancé depuis Casablanca, lors d’une conférence organisée par l’Institut des hautes études de management, n’était pas un simple geste procédural, mais portait en lui une charge politique importante et des signaux implicites sur un déséquilibre des rapports de force au Parlement.
Ouzzine, qui a qualifié la majorité actuelle non pas seulement de « gonflée numériquement », mais de véritable « prédation politique », a affirmé que l’opposition ne dispose pas du quorum légal nécessaire pour créer la commission, qui exige le soutien de 132 députés, tandis que le nombre total des parlementaires de l’opposition, y compris les indépendants, ne dépasse pas 101. Ce détail numérique, en apparence technique, révèle en réalité une complexité qui rend l’opposition « otage » de la bonne volonté de la majorité, et soulève des questions sur la nature de l’engagement de certains partis au sein du gouvernement.
L’appel d’Ouzzine intervient dans un contexte sensible, où les interrogations se multiplient autour des conditions d’importation de la viande, surtout après les déclarations du secrétaire général du parti de l’Istiqlal, Nizar Baraka, qui a évoqué l’existence de spéculateurs et de lobbies contrôlant le marché. D’où la question explicite posée par Ouzzine : « Si l’information provient du parti de l’Istiqlal, pourquoi ses députés ne se mobilisent-ils pas pour soutenir cette commission ? », ajoutant que c’est une occasion pour ce parti de prouver s’il est réellement engagé dans la lutte contre la corruption ou s’il se limite à faire des déclarations populistes à destination de l’opinion publique.
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Et bien que le parti de l’Istiqlal fasse partie intégrante de la majorité gouvernementale, ses récentes prises de position sur les prix et la qualité des produits alimentaires ont ouvert la voie à plusieurs interprétations, surtout que le discours de certains de ses dirigeants semble converger avec celui de l’opposition. Sommes-nous alors face à une tentative du Mouvement Populaire d’embarrasser l’Istiqlal et de le pousser à choisir entre loyauté gouvernementale et alignement sur les revendications de transparence ? Ou s’agit-il d’un réel appel à unir les forces parlementaires autour d’une priorité nationale touchant à la santé des citoyens et à l’intégrité du marché ?
Les propos d’Ouzzine n’en sont pas restés là. Il a vivement critiqué ce qu’il a appelé « l’absence d’une véritable cohésion gouvernementale », affirmant que cette cohésion ne devrait jamais se faire au détriment des poches des citoyens, mais sur la base d’un consensus autour de la lutte contre la corruption et la défense de l’intérêt général. Il s’est interrogé si certains députés de la majorité représentent véritablement la nation ou ne sont que les relais de certains intérêts privés et lobbies économiques.
Dans un climat où les critiques se multiplient quant à la gestion par le gouvernement de certains dossiers sociaux et économiques, ce débat remet la question du rôle de contrôle du Parlement au premier plan. La dernière commission d’enquête parlementaire remonte à 2010, un chiffre qui révèle une quasi-paralysie de ce mécanisme constitutionnel, ce qui nous pousse à nous interroger : la structure politique marocaine permet-elle réellement un contrôle parlementaire efficace, ou bien cette fonction est-elle désormais vidée de son sens par des arrangements politiques internes ?
L’opposition, malgré sa faiblesse numérique, mise sur la possibilité que certains partis de la majorité interagissent positivement avec des dossiers à portée populaire, comme celui de l’importation de viande, pour activer les outils de contrôle garantis par la Constitution. Mais cette hypothèse se heurte à une grande question : la majorité aura-t-elle le courage politique de s’affranchir de la discipline partisane pour s’engager dans un véritable processus de reddition des comptes ? Peut-elle dépasser les calculs étroits pour se placer du côté de l’intérêt général, notamment lorsqu’il s’agit de la santé du citoyen marocain ?
Quoi qu’il en soit, l’appel d’Ouzzine constitue un moment politique décisif, non seulement en raison de l’importance du sujet, mais aussi parce qu’il place le Parlement face à ses responsabilités : a-t-il encore la capacité de prendre des initiatives et de jouer son rôle de contrôle ? Ou bien la dualité majorité-opposition est-elle devenue une façade symbolique dans un système qui n’autorise pas un véritable équilibre entre les pouvoirs au sein de l’institution législative ?
Seules les prochaines semaines apporteront des réponses, mais une chose est certaine : ce dossier ne sera pas enterré si facilement, et l’opinion publique suit de près comment les partis, chacun selon sa position, vont interagir avec un sujet qui dépasse les clivages partisans pour toucher au cœur même de la confiance envers les institutions.